Pour aborder le paysage, et plus précisément l’histoire de celui-ci du XVIIIème siècle à nos jours, les élèves ont eu à réaliser une peinture entièrement accomplie en référence au texte d’un auteur, l’historien de l’art et essayiste Élie Faure, auteur d’une monumentale Histoire de l’art qui reste une des références dans cette discipline.
Le passage choisi (présenté dans cet article), un extrait décrivant avec sensibilité l’univers de l’art de Watteau, peintre du XVIIIème siècle français, a été lu à voix haute par les élèves pendant deux séances, en notant les observations, couleurs, détails, susceptibles de les aider à peindre eux-même un tableau d’après ce fameux texte, sans jamais voir les oeuvres du peintre ici décrites.
C’est donc à un double passage de relai que les élèves ont eu à participer : celui de l’historien de l’art qui transmet par le texte aux lecteurs l’émotion en face d’une oeuvre. Celui d’une peinture réalisée par les élèves à partir de ce texte, du souvenir ou de la compréhension qu’ils en ont eu, sans voir l’oeuvre décrite. Un éloignement à deux degrés de la toile ou des toiles originelles de Watteau. Et c’est ainsi, à l’aveugle, que les élèves ont eu à peindre, à se jeter à l’eau, pour "retrouver" l’esprit de l’univers pictural de Watteau, sans le connaître, ni avoir pu à ce stade en étudier une toile .
Les travaux révèlent bien une diversité de sensibilités, mais une constante, dans l’approche d’un paysage souvenir, lointain, à la fois culturellement et historiquement éloigné, mais qui pourtant habite l’imaginaire de toute la société. Ce paysage mélancolique d’avant la Révolution Française, la fin imminente d’un monde sans perspective, de privilèges et d’oisiveté aristocratique, de fugacité de la vie et des sentiments, de la comédie des passions humaines, dans l’écrin de la nature.
Le temps limité (3/4 d’heure) pour réaliser la peinture, a obligé les élèves à aller à l’essentiel, qui est souvent atteint. L’harmonie et la musicalité des accords de couleurs présentes dans l’évocation d’Élie Faure se retrouvent par d’autres canaux, par l’intermédiaire d’autres êtres, perpétuant un imaginaire enfoui aujourd’hui sous les échangeurs autoroutiers et les étendues d’agricultures industrielles débarrassées, afin d’optimiser la rentabilisation des espaces et des ressources naturelles, de tout aléas pittoresque.
Les toiles de Watteau seront après leur travail, présentées aux élèves (deux sont montrés dans cet article).
Une deuxième partie de ce travail, intitulée "de mon assiette au paysage", abordera le paysage contemporain depuis les années cinquante, ses mutations spatiales, et ses répercussions sur l’alimentation quotidienne mondiale, ainsi que l’impact sur le paysage des "choix" d’alimentation des consommateurs.
Ce deuxième travail s’appuiera sur deux films documentaires : Le temps des grâces de Dominique Marchais (2009), Notre pain quotidien de Nikolaus Geyrhalter (2005). On essayera de retrouver furtivement dans le film de Dominique Marchais, un minuscule vestige de paysage rappelant celui que connaissait Watteau. On découvrira par le film de Nikolaus Geyrhalter, l’incroyable déshumanisation et uniformisation des espaces de production de l’alimentation moderne, des champs aux usines agroalimentaires, vécue par les personnels autant que par les plantes, les animaux, les paysages,... et les consommateurs à leur insu.