À la suite de "Freedom", travail réalisé en tout début d’année en peinture d’après une musique de George Mickael des années 90’, le thème de La Liberté, exploré tout au long de l’année scolaire, passe cette fois par le dessin et particulièrement par le dessin de presse.
Histoire de plusieurs siècles de la conquête de la liberté de penser, de critiquer, de publier - collective et individuelle - , que les élèves ont pu mesurer en abordant d’abord quelques images des origines, de la fin du XVIIIème siècle à nos jours, de l’excellente exposition virtuelle sur le site de La Contemporaine "Caricatures et violence de l’Histoire" http://hirim.sociodb.io/exposition .
On y voit comment le dessin de presse, aux côtés d’autres formes d’art ou d’action, ont fait progresser les consciences et amélioré le rapport de la société à sa propre réflexivité et à sa maturation - qui reste encore grandement en chantier !...
On voit combien- à l’exemple tragique de Charlie Hebdo, il y a cinq ans - c’est le dessin de presse qui est le premier attaqué lorsque le sectarisme, le fanatisme ou le totalitarisme veulent mettre à bas le processus de la démocratie. C’est donc important de faire revisiter par la pratique le dessin de presse, en faisant vivre et éprouver de l’intérieur par les élèves ce que vit comme effort de création, de critique et de responsabilité, le dessinateur de presse ; ce grand métier de l’expérience de la liberté de créer, penser, dire, publier, provoquer à penser, à discuter, à se remettre en question, à s’indigner, et à rire de la bêtise, de l’imbécilité des tyrans et des moutons, des préjugés, des superstitions, des hypocrisies,...
Pour préparer les élèves à entreprendre un travail de réflexion et de création en dessin de presse, il fallait qu’ils touchent du doigt des questions liées à la liberté, au racisme, aux féminicides, et d’autres sujets de société. Des sujets qui susciteraient débat et envie de dessiner d’une manière critique.
Les élèves ont eu à lire par exemple un extrait savoureux du fameux "Discours de la servitude volontaire" de Étienne de La Boétie, publié par Montaigne au XVIème siècle. Ils ont lu également des passages du livre de Tahar Ben Jeloun "Le Racisme expliqué à ma fille", remarquable ouvrage parfaitement adapté à l’âge des collégiens (et recommandé aux parents !), et qui a d’ailleurs été récemment enrichi des contenus des rencontres de centaines de collégiens et d’articles de journaux, dans plusieurs pays d’Europe.
On pourrait mesurer le degré de liberté d’un pays ou d’une civilisation à la liberté de penser, se vêtir, manger, critiquer, contester ou bien approuver, discuter, s’opposer, et vivre sa vie, garçons ou filles, comme chacun l’entend, dans le respect de la liberté de l’autre, dans la liberté de s’inventer, plutôt que de recopier ou de se soumettre servilement (- y compris en croyant l’avoir choisi librement, ce que montre dès le 16ème siècle Étienne de la Boétie dans son "Discours de la servitude volontaire" !).
Enfin, en cours de travail, on a abordé aussi le problème de la surexposition des enfants aux écrans, comme sujet urgent de distance critique (et de mesure de précaution active !), à travers quelques extraits du dernier ouvrage du Directeur de recherche à l’INSERM Michel Desmurger "La fabrique du crétin digital, Les dangers des écrans pour nos enfants", parus chez Seuil en 2019.
(Des extraits du "Discours de la servitude volontaire" et de "La fabrique du crétin digital" sont joints à cet article en PDF, tandis que e livre de Tahar Ben Jeloun a été suggéré comme achat utile aux élèves).
À partir de là, les élèves ont expérimenté la notion de recherches ; c’est-à-dire rechercher sans se contenter de faire un seul dessin mais de plutôt explorer des pistes, critiquer et améliorer des premiers résultats, penser la recherche comme état de l’être qui vit, de la pensée en mouvement, de l’art en liberté. Notion qui déborde largement le statut du seul "artiste" pour devenir le mode opératoire souhaité de tout être humain hors de tout dogmatisme : rester l’esprit éveillé et en recherche, demeurer libre, à l’écoute, - douter ! - prompt à agir et à réagir, sensible, inventif et maniant bien les outils du langage pour se tourner vers les autres.
La liberté signifie, dans ce cadre : apprendre à penser, à regarder les autres travaux, se situer dans une histoire et une époque, une actualité...
Il ressort de ce travail plusieurs observations : un grand nombre d’élèves a fourni un effort remarquable, parfois avec des notions de dessin très rudimentaires. Il leur a fallu intégrer le dessin comme maniement de codes tels que titres, bulles, légendes, dessins, mise en page, noir et blanc ou couleur, etc. Des arts plastiques en somme, mais prenant position dans l’époque, et donc au travers d’une formation à la citoyenneté...
Il a fallu instaurer une discussion en classe sur les écrans, car il apparaît de plus en plus - et le livre de Michel Desmurger l’établi sur la base d’un corpus scientifique international "clair, cohérent, indiscutable" (ce sont ses propres mots, j’invite d’urgence les parents à lire son ouvrage pour protéger leurs enfants) que ceux-ci sont extrêmement nuisibles au développement de la faculté d’apprendre et donc aux résultats scolaires.
Le langage, l’attention, sont - c’est établi statistiquement - profondément atteints chez des millions d’enfants, incapables de concentration, d’approfondissement, et qui s’expriment à l’écrit et à l’oral avec des moyens très appauvris, qui contrôlent mal leurs émotions, qui dorment insuffisamment, qui voient et sont façonnés à leur insu par des contenus violents, sexistes, pornographiques, abrutissants, des incitations à consommer, etc. (la liste des effets délétères est longue ! ). Et cela se retrouve au collège.
Et puis il y a les sujets : le monde, le racisme, la violence, l’inégalité, le sexisme, la crise climatique, etc. Tous ces thèmes sont appréhendés par les élèves par une prise en charge personnelle, tournée vers les autres, vers la société, vers l’espace public.
C’est, pour certains, une initiation, tandis que d’autres ont visiblement déjà un bagage et une pratique des échanges, des regards et des arguments avec leur environnement, leur famille, des amis... Ce travail les met en phase les uns avec les autres, avec leur monde, et les fait tous grandir.