À la suite de la recherche du logo du collège (voir précédent article), et qui devrait logiquement trouver un aboutissement dans un vote au Conseil d’Administration de l’établissement en 2019, les élèves se sont vus proposés un travail de création en stylisme.
Mais si le Design vestimentaire est encore aujourd’hui majoritairement une affaire de business mondialisé au dépend des productions locales et de la planète, il pourrait en être différemment dès lors que les élèves, futurs citoyens, prennent conscience des enjeux éthiques et environnementaux de la production et de la consommation des vêtements.
Ils ont pu visionner un intéressant petit documentaire, "Fashion for forests", à la réalisation duquel Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, ainsi que l’Organisation des Nations Unies ont été associées, https://www.youtube.com/watch?v=zmtJojUxNgE .
On y apprend qu’il faut l’équivalent de dix années de consommation quotidienne d’eau d’une personne pour la fabrication d’une seule paire de pantalons Jeans. Ou bien que 25% de l’eau potable mondiale est polluée pour la production du textile. Ou encore que la production textile est responsable de 10% des émissions mondiales de carbone, plus que le trafic maritime et aérien réunis…
On y apprend aussi qu’existent désormais des technologies de transformation de la pulpe de bois en viscose, pour en faire du fil aussi résistant et souple que celui de la soie, aussi agréable et propice à la création textile. Ce produit a l’avantage écologique et économique de nécessiter soixante fois moins d’eau pour son élaboration que le coton, ou de libérer quinze fois moins d’émanations carbonées que le synthétique et enfin de pouvoir être produit localement en Europe, à partir de la gestion responsable des forêts.
C’est à Cittadellarte-Fondazione Pistoletto qu’un atelier de création de mode « durable » contribue, aux côtés d’autres entreprises également engagées dans la relocalisation et la production de textile durable, que la création se conjugue à l’éthique et à la responsabilité environnementale. On a proposé aux élèves de dessiner des vêtements à partir de cette matière première plus écologique et locale.
Les élèves ont eu donc pour deuxième défi de l’année de créer une ligne de vêtements qui s’engage dans une esthétique durable pour créer une alternative à la « mode jetable ». Cette dernière, conçue pour forcer la population à renouveler sa garde robe par le conditionnement des Carnets de tendances changeant chaque année, et du marketing, est majoritairement produite à des dizaines de milliers de kilomètres du lieu d’usage des habits, tandis que ceux-ci sont souvent fabriqués sans respect pour les normes sociales élémentaires (travail des enfants, mortalité au travail et quasi esclavagisme) ainsi qu’environnementales, pour le but exclusivement lucratif des grandes multinationales de l’habillement.
Mais cet objectif ne suffisait pas. Il fallait aussi que le travail permette de prendre la mesure du pouvoir d’influence du vêtement sur la personne qui le porte (son corps et sa pensée, son statut, le regard des autres, etc.) et sur ceux qui, vivant autour, le voient. On a pu se rendre compte de ce phénomène par la démonstration documentée d’une chercheuse du CNRS, spécialiste de l’histoire du vêtement, Nicole Pellegrin, dont l’ouvrage « Voiles. Une histoire du Moyen Âge à Vatican II », est paru chez CNRS éditions en 2017. On a pu lire en classe un, parfois deux extraits de ce livre.
Il leur a été aussi montré deux ou trois images de la peintre du début du vingtième siècle Sonia Delaunay, artiste française venue d’Ukraine, qui a créé un langage plastique abstrait dès les années vingt et des vêtements à partir de ses découvertes plastiques. Elle a contribué à faire évoluer les mentalités sur la représentation du corps, le statut des femmes, la liberté de création … (voir Pdf. joint)
A partir de cette information, les projets de vêtement des élèves devaient répondre aux critères suivants :
1. Être pratiques, permettre la liberté de mouvements du corps dans la vie quotidienne comme pour des occasions plus exceptionelles.
2. Etre une vraie création, une invention. Inutile en effet de prétendre « créer » des vêtements qui seraient les mêmes que ceux achetés « en traversant la rue ».
3. Faire en sorte que cette création de vêtements annonce, par ses formes et couleurs, un monde à venir, à inventer ensemble et par chacun, un monde qui ne serait plus celui du gaspillage, de la pollution, des inégalités sociales (hommes/femmes, riches/pauvres, etc.) et des dominations patriarcales ou communautaristes, en particulier en direction des filles dans le monde aujourd’hui.
En somme, ces créations devaient permettre à chacun et chacune d’exprimer sa liberté de vivre, de penser, de s’exprimer, de s’habiller avec une visée éthique et une responsabilité environnementale. Donc il n’était pas demandé de copier-coller des vêtements traditionnels ou de confession religieuse, ou encore les produits du marketing ambiant. Il était a contraire demandé que chaque élève se projette dans une certaine vision qui soit celle par laquelle il invente un monde.
C’est ainsi que le projet s’inscrit encore dans une relation de coopération continuée avec Cittadellarte-Fondazione Pistoletto, ainsi qu’avec l’association « Pace-Futuro » (Paix et futur en Italien) qui siège non loin de là près de la ville de Biella, originellement spécialisée dans la création style et la production textile. Les vêtements pouvaient avoir des couleurs vives, être noir et blanc, ou utiliser des couleurs de teintures naturelles, moins polluantes.
Les élèves ont répondu présent(e)s, avec cette étonnante création multiforme, porteuse d’espoir d’un monde à venir de création et de tolérance.