Nous sommes partis d’un voyage en histoire de l’art. J’ai proposé aux élèves de 4ème et 5ème de parcourir certains moments de l’histoire de l’art, de l’histoire des formes, des pratiques artistiques des arts visuels. On a procédé soit chronologiquement, soit en laissant le hasard et le libre choix d’élèves pour « visiter » certains des dossiers et images par thèmes et par époques : architecture, peinture, stylisme, art mural, perspective, etc.
On a convenu que chaque classe allait travailler sur un sujet qui avait déclenché le plus de discussion ou d’intérêt. Chez certains, ce fut la peinture murale monumentale, chez d’autres, l’architecture, chez d’autres encore, la perspective, chez d’autres ce fut le stylisme ou encore la création de meubles…
Je dois dire que j’ai demandé aux élèves de certaines classes de présenter à l’oral leur projet et de donner des explications sur la visée, l’idée générale de leur projet. Pour beaucoup de ceux qui ont été confronté, en particulier en stylisme, aux réactions parfois déstabilisantes de leurs camarades, cela a été comme une stimulation à préciser et affirmer, assumer leur projet, leur pensée.
Alors que les atrocités de violence et d’intolérance de janvier venaient de se produire à Paris, ce débat très vif parfois sur la liberté de s’habiller, de s’exprimer, de montrer une certaine image de la femme et de la liberté de se vêtir parmi les autres, que l’on revendique publiquement, prenait un accent touchant venant d’élèves de 12 à 13 ans maximum.
Beaucoup plus qu’on ne le croit, l’art, les arts visuels, les arts plastiques, posent au cœur de tout dispositif de création la nécessité que l’ensemble de la société, à travers la chose donnée à voir, se contemple elle-même dans ses aptitudes à reconnaître aux autres la liberté de s’exprimer, de critiquer, de respecter les possibilités de création dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à l’intégrité physique de quiconque.
Discuter, se disputer, critiquer, aimer ou dire pourquoi on trouve une proposition faible ou enthousiasmante relève alors de la maturité politique et démocratique qu’une société est capable (ou non ) de porter en elle et à travers elle-même, vers l’universel.
Comme quoi, les questions artistiques sont tout sauf seulement « décoratives » ou divertissantes, ou encore « pratiques » comme on voudrait parfois un peu vite et un peu partout les réduire pour en en diminuer la portée émancipatrice.
Ici, parmi ces travaux, chaque élève est allé jusqu’au bout de son projet. Et je vois dans ces recherches souvent d’une vraie audace et d’une grande assurance, d’une grande autorité (considérée comme disposition à devenir soi-même un auteur), le gage que la société des élèves d’aujourd’hui, lorsqu’elle y est appelée, sait se mettre en mouvement de création avec une grande ambition et une grande liberté donnée à soi-même et aux autres.
Des travaux porteurs d’espoir, donc…