La classe de 3ème 4 a rencontré un ancien résistant

M. Cléry s’est rendu à deux reprises au collège

Après avoir accompagné la classe de 3ème 4 lors de sa visite du Mont Valérien, M. Cléry est venu à deux reprises au collège, le 18 décembre et le 8 janvier. Les élèves ont écouté son histoire et ont pu lui poser de nombreuses questions.

mercredi 28 janvier 2009 , par Marianne Finaltéri

RENCONTRE AVEC M. CLERY

Il est né le 31 janvier 1927 à Tours. Il avait donc 12 ans à la déclaration de guerre. Son père était pupille de la Nation car son grand-père a été tué à Verdun. C’est une famille de militaires.
L’entrée en guerre en 1939 a été vécue comme la suite de 14-18. Nombreux français ont été élevés dans la haine de l’Allemagne.

L’Exode.
Il vivait à Gisors dans le Vexin. En septembre 1939, il fuit à Tours chez un cousin de 50 ans. Il écoutait la radio de l’Etat français et a ainsi appris qu’un « général félon » a quitté la France et veut continuer la guerre.
A l’armistice, 1,5 million de Français sont prisonniers de guerre des Allemands.
Sa famille a continué à fuir vers l’Auvergne. Il a couché dans des granges.

Retour à Paris :
Il retourne à Paris en septembre 1940 : il y a des drapeaux nazis partout. Paris est alors devenu le lieu de plaisir des Allemands qui obtiennent le droit d’y séjourner en récompense. Avant la guerre, 1 franc = 1 mark. Après l’armistice, les Allemands ont imposé 1 mark = 20 francs ! Les Français réagissent mal à l’Occupation : M. Cléry nous raconte par exemple une vieille dame qui se détourne lorsqu’un soldat allemand veut lui laisser sa place assise dans le métro.

Il rentre au lycée Voltaire (où il était inscrit depuis 1933 en 11ème = CP). En 1940, il entre en 5ème. Il retrouve ses camarades de classe. Un jour, 7 élèves sont venus avec l’étoile jaune. Ca ne l’a pas choqué du tout. Ils avaient l’air malheureux. Ses parents habitaient à 5 stations de métro : il prenait donc le métro 4 fois par jour avec ses petits copains. Les juifs devaient aller dans le wagon de queue. Le jeudi, ils allaient au cinéma. Mais ses petits copains juifs ne le pouvaient pas. Ca l’a remonté contre les Allemands.

Entrée en Résistance :
En 1942, le capitaine Payol vient le voir. Il était dans les « services spéciaux ». Il était chargé de récolter des renseignements sur l’armée allemande et de les envoyer en Angleterre. Les renseignements étaient envoyés par radio (en morse). Or M. Cléry connaissait bien le morse. Le capitaine Payol lui apprend qu’il a perdu son opérateur radio et il a besoin d’un remplaçant pendant 15 jours.
En 1943, Payol est appelé à Londres. Il pense emmener M. Cléry et passer par l’Espagne, en traversant les Pyrénées et en arrivant au Portugal. Finalement, on vient les chercher en Lysander : tout petit avion qui apportait habituellement du matériel. Il ne partait que pendant la pleine lune et il fallait lui indiquer les coordonnées d’une terrain où atterrir.

Les Français écoutaient la radio de Londres. Il y avait plein de messages personnels. Le signal du départ pour M. Cléry était « les eaux de l’Atlantique sont plus bleues que celles de la Méditerranées ». Le terrain se trouvait en Haute-Loire, près de Montbrison.
Une trentaine de maquisards sont venus lui donner un coup de main : il fallait faire un balisage en L. Les maquisards comme les aviateurs avaient peur que l’autre soit allemand (avion allemand ou lumières installées par les Allemands). L’avion envoyait donc un signal en morse. Les résistants répondaient avec une lampe de poche.
Une fois l’avion atterri, les FFI lui font faire un demi-tour pour le départ. Cela dure deux minutes : le temps de décharger et de repartir avec les passagers.

Arrivé à Londres, on l’inscrit au lysée français de Londres. Il refuse car il veut continuer le combat. Pendant trois mois, il a travaillé le morse et a du passer son brevet de parachutiste. Il a été parachuté seul entre Pontoise et L’Isle-Adam. Il a été par la suite l’organisateur de 5 opérations d’atterrissage.

Il a continué à passer des télégrammes à Londres. La durée de vie d’un opérateur-radio est en moyenne de 3 mois. Il a fait 18 mois ! Les opérateurs radio étaient repérés par les Allemands par radiogoniométrie. Il avait donc un guetteur à la fenêtre et deux camarades dans la rue. Il a quitté Paris parce que c’était trop dangereux et a continué à Clermont-Ferrand. Il était inscrit au lycée Blaise Pascal de Clermont-Ferrand (où il était souvent absent).

QUESTIONS A M. CLERY LE 08 JANVIER 2009

1) Avez vous tué des Allemands ? Avez vous rencontré des Allemands que vous avez fait tuer ?
En tant qu’opérateur - radio, on ne combat pas. Il faut 5-6 mois de formation à Londres pour faire ce poste alors l’opérateur ne doit pas risquer sa vie directement. Quand on tue, on prend le risque de se faire tuer.
Mais en fait, M. Cléry dit qu’il a fait tué beaucoup d’Allemands : son réseau avait beaucoup d’agents le long du littoral et il a transmis les photos de toutes les fortifications du Mur de l’Atlantique. Il a donc envoyé des renseignements pour bombarder les côtes, les plages.
« Je regrette de ne pas en avoir fait tuer davantage pour faire durer moins la guerre ».
Il n’a jamais rencontré ceux qu’il allait faire tuer.

2) Pourquoi n’avez vous pas été opérateur – radio dans les chars comme vous le désiriez en arrivant à Londres ?
En arrivant à Londres, on a voulu envoyer M. Cléry au lycée car on le trouvait trop jeune. Il s’est vieilli pour continuer la guerre. Il voulait être dans un char en Libye par exemple. A Londres, on a préféré le renvoyer en France. Il n’a pas regretté de ne pas être allé en Libye. Il a même eu l’occasion d’être parachuté près de Bergen-Belsen en avril 1945. Il est resté 4 jours.

3) Ca vous faisait quel effet de savoir que vous pouviez perdre la vie ?
« Je n’y pensais pas sous le feu de l’action. Je n’aurais pas donné ma place ! La Résistance, c’est la gloire de ma vie. »

4) D’où connaissez vous le morse ?
Il l’avait appris avec ses copains. Il a aussi eu un loisir complètement fou : il a fait du sabre à cheval, jusqu’en championnat du monde. Il a arrêté et le sabre et le morse, faute de partenaires.

5) Où logiez vous à Londres ? après Londres ?
A Londres, il habitait Charring Cross.
Après Londres, il logeait chez des cousins à Paris 27 rue Langlois à Antony. C’était dans un pavillon avec un terrain qui disposait de 3 sorties sur 3 rues différentes.

6) Aviez vous un nom de résistant ?
Son nom était Bayard. C’est son chef de réseau qui l’a choisi.
Il a eu un fausse carte : les cachets et la signature sont exacts mais son nom est faux. Le commissaire de police qui a signé sur la carte s’est fait arrêté 8 jours après lui avoir remis sa carte et il a été fusillé.

Avant et après la guerre, pour faire une carte d’identité, il fallait d’abord l’acheter chez un libraire. On la remplissait soi-même. Ensuite, elle était tamponnée au commissariat.

7) Est-ce qu’il a des gens qui faisaient des faux tampons ?
Sans doute oui : certains professionnels étaient résistants. Mais il suffisait parfois aussi d’avoir une pomme de terre coupée en deux : l’encre d’imprimerie est aspirée par la pomme de terre et on a plus qu’à la tamponner sur le faux papier.

8) Avez vous gardé vos affaires d’opérateur – radio ?
Non, il les a donné à un copain.

9) Comment avez vous été fiché par les Allemands ?
Peut-être a-t-il été fiché après la fois où il a failli être pris à Clermont-Ferrand. Après la guerre, il a lu sur sa fiche de la Gestapo : « individu très dangereux à abattre sur place ».

10) Avez vous pu récupérer la valise cachée dans le placard à balai lors de l’affaire de Clermont-Ferrand ?
Non, c’était trop risqué ! Pour faire des émissions de radio, il ne fallais pas se faire repérer. Donc il fallait changer de lieu (il changeait 3 fois par semaine). Il avait ainsi plusieurs valises dans 4 endroits différents (il en a perdu une mais il lui en restait 3 autres). Il a du déménager quand les Allemands le recherchaient. Il a déménagé très souvent .

11) Qu’est-ce qui était le plus dur pendant la guerre ?
Tout était dur : se cacher, mentir, se méfier de tout le monde, la faim, la peur. Il disait qu’il avait peur 26 heures par jour ! Certains heures comptent double ! Ce qui lui a souvent manqué après la guerre, c’était l’espoir. Pendant, tout n’était pas moche : l’espoir de voir les Allemands partir, les prisonniers revenir. C’était magnifique de vivre cet espoir !

12) Où était votre père ?
Il a rejoint de Gaulle en juin-juillet 1940. Il a participé à la bataille de Norvège. Au retour, à l’armistice, les navires faisaient escales en Angleterre pour revenir en France. Il y est donc resté pour rejoindre de Gaulle. Il n’a revu son père qu’en 1946. Après, il est resté vivre à la maison. « Il était très fier de moi, mon père ; et moi, j’étais très fier de lui ! » Son père n’a su qu’après ce qu’il a fait pendant la guerre.

13) La guerre a-t-elle changé votre vison de la vie ?
« Bien sûr : elle a changé ma vie ! ».

14) Après la guerre, avez vous retrouvé vos amis ?
Il a revu des camarades car il a été affecté au contre-espionnage français (service secret). Mais en fait, pendant la guerre, les résistants étaient très cloisonnés et connaissaient peu de monde.

15) Qui vous a donné votre médaille ? Avez vous la rosette sur votre médaille ?
C’est le Général de Gaulle en 1947. Il est le plus jeune médaillé de la résistance.
Il n’a pas la rosette mais le ruban. Il ne comprend pas bien l’idée de faire une hiérarchie car, pour lui, il n’y a que des grands résistants quelle que soit la façon dont ils ont participé à la résistance.

16) Après la guerre, comment avez-vous été accueilli en France ?
L’accueil a été digne de l’hospitalité des Français. Mais il trouve que les Français n’en ont pas assez fait. Les Français n’étaient pas collaborateurs non plus. Il a été très bien accueilli dans les milieux officiels du fait de sont jeune âge. Sa motivation pour entrée en résistance est triple :
  le patriotisme (fiche les Allemands dehors)
  il voulait être digne de son père officier
  il voulait montrer qu’il était un homme à 15 ans.

17) Quels ont été les sentiments de votre mère après la guerre ?
Elle était contente car elle se faisait beaucoup de souci. Mais elle savait toujours où il était, ce qu’il faisait. Il aurait aimé écrire un livre mais associer sa mère à son projet. C’est son grand regret car elle est morte avant qu’il puisse le faire.

18) Votre famille a-t-elle eu du mal pendant la guerre ?
Sa mère a été aidée par la famille puis par son père qui avait rejoint de Gaulle et qui lui faisait passer de l’argent par l’Espagne.

19) Avez vous fait des études après la guerre ?
Quand il a quitté les études, il était en 4ème de lycée. Il aurait donc du retourner en 4ème à 19-20 ans ! Il ne le voulait pas du tout. Il a du trouver un job. C’est un autodidacte. Ca lui a beaucoup manqué d’avoir interrompu ses études.

20) Avez vous une femme, des enfants, un métier ?
A 19 ans, démobilisé, il s’est marié. A la démobilisation, il a ressenti un grand vide et il a eu beaucoup de mal. Sa femme l’a beaucoup aidé. Ils ont eu deux enfants.
Il est retourné dans une grosse maison de radio : « Pigeon Voyageur » qui était le plus grand magasin de radio de Paris où il avait eu un contrat fictif d’apprenti dépanneur pendant la guerre. Le directeur lui a proposé de devenir acheteur chez Cartier ou d’aller voir un ami chez Philips France. Il est devenu représentant chez Philips à 21 ans. A 25 ans, il était chef de vente, puis directeur d’une succursale à 35 ans, directeur de toutes les ventres ensuite. Il a pris sa retraite à 58 ans.

Cela fait 24 ans que M. Cléry rencontre des élèves dans les collège.
Un grand merci à tous les élèves qui ont posé des questions dont Sony, Loup, François, Jimmy, Kamel, Clément, Erwan, Vang-Si, Johan, Maryse,…

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