Le jeudi 17 mars, un déporté du camp de Bergen-Belsen a fait une intervention dans notre classe. M. Pérahia, âgé maintenant de 78 ans, s’est fait arrêter en 1942, âgé de tout juste 9 ans.
(Stéphanie).
Au début de l’arrivée des nazis en France, les juifs ont du aller à la préfecture pour se faire recenser et avoir un tampon avec écrit « juif » sur le papier d’identité.
(Thibaut).
Arrestation :
M. Pérahia a dit : « j’ai été arrêté en 1942 avec mon père et ma mère à Saint-Nazaire. Les soldats allemands nous avaient dit que c’était seulement une vérification d’identité ».
(Kevin C).
Il était chez lui, avec sa mère, à table sans son père. Les Allemands sont arrivés en camion. Ils ont menacé sa mère. Ils lui ont dit d’aller chercher le père.
(Farid).
Le soldat donna 15 minutes pour que la mère aille chercher son mari. Il disait que si la mère ne revenait pas, il prendrait l’enfant avec eux et elle ne le reverrait plus jamais. Sa père, par peur, alla chercher son mari. L’enfant resta assis à table avec les 7 soldats autour de lui. Il n’osait pas les regarder.
(Stéphanie).
« Ils nous ont dit que dans 48 heurs, nous serions chez nous. Alors nous sommes partis avec eux. C’était en juillet et il faisait chaud. Nous sommes alors allés dans un baraquement à 10 km de Saint-Nazaire. Ici, il y avait plusieurs familles de toute la région. Nous avons dormi comme nous pouvions, pas terre ».
(Oussama).
Ils ont été emmenés à Angers où ils ont été séparés.
(Maxence).
M. Pérahia était triste car son père lui a dit de s’occuper de sa mère, comme s’il n’allait plus revenir.
(Kevin P).
« Mon père m’a regardé, il savait que c’était la dernière fois. Moi, je ne voulais pas y croire. On s’est regardé longuement. Puis il est parti. C’était effectivement la dernière fois que je l’ai vu ». C’était vraiment troublant car il nous demandait d’imaginer ce que l’on pouvait ressentir.
(Élise).
La mère et lui même furent séparés de son père qui fut envoyé à Auschwitz-Birkenau.
(Adrien).
Son père était du huitième convoi pour Auschwitz.
(Sabrina).
Au camp de La Lande près de Tours :
Puis il a été emmené au camp de La Lande avec sa mère pendant 15 jours, où il a eu de bons souvenirs car il avait des camarades, qui sont décédés et qu’il regrette aujourd’hui.
(Maxence).
Le seul moment où il dit s’être senti heureux, c’est quand il a passé deux semaines avec une quinzaine d’enfants. Ils jouaient, chantaient, dansaient... Il a aussi dit qu’il était tombé amoureux d’une petite fille. Comment s’appelait-elle ? Marie. Ironie du sort, c’est Marie, une élève de 3e3, qui a posé cette question. Cela doit faire une drôle d’impression...
(Élise).
A travers ces petites histoire, on a quand même pu comprendre que le bonheur pouvait exister même dans le chaos le plus total. Il nous a dit qu’il avait vécu 15 jours de pur bonheur avec des enfants, que ces enfants dégageaient quelque chose, une certaine joie de vivre et que ce moment était le meilleur moment de sa vie.
(Yannica).
A Drancy :
Puis il a été transféré à Drancy. La-bas, il a rencontré un cousin de sa mère.
(Maxence).
Le cousin de sa mère, pour leur éviter d’aller à Auschwitz, leur conseille de dire quelle est mariée à un prisonnier de guerre. Elle a eu le courage de le faire, et malgré les démarches pour vérifier si ce n’était pas un mensonge, les Allemands l’ont crue et ils ne sont pas allés à Auschwitz, leurs vies étaient sauvées.
(Romy).
Ces catégories de personnes étaient retenues comme otages au cas où la guerre tournerait mal. (Aymen).
« Le cousin de ma mère lui a fait mémoriser toutes les informations à savoir et quand elle est passée devant les Allemands, elle m’a impressionnée. Elle a tout dit en étant très calme, stressée ce qui est normal, mais calme et à la fin de l’entretien, nous ne faisions pas partis des déportés vers un camp d’extermination ». Quand il a dit ça, on voyait qu’il aimait vraiment sa mère et qu’il l’admirait.
(Robin).
Le convoi dura trois jours et trois nuits dans des wagons à bestiaux, entassés par 80 à 100 personne, sans eau ni nourriture. (Juliette).
Au camp de Bergen-Belsen :
Ils sont restés 20 mois à Drancy, mais un jour, ils sont partis vers l’est et sont arrivés à Bergen-Belsen où des soldats criaient, armés de matraques et de chiens, à la sortie du train. Puis il a été mis dans un baraquement. Tous les jours, ils redoutaient l’appel. Puis il a été séparé de sa mère et il est allé chez les hommes. Il redoutait les kapos car ils donnaient des coups de matraque.
(Maxence).
Les Allemands battaient les déportés sans aucune raison. L’appel pouvait durer plusieurs heures.
(Farid).
Les repas étaient principalement des soupes. Les prisonniers essayaient d’avoir le fond car ils pensaient qu’il y avait peut-être des morceaux de viande ou de légumes qui restaient. Ils avaient aussi le droit d’avoir un peu de pain pour chaque semaine, mais ils n’arrivaient pas à résister à la tentation et finissaient par manger tout le premier jour.
(Valentin).
Ils avaient tous des numéros. Lui était le 30 441. Il y avait des barbelés partout.
(Sabrina).
L’atrocité des camps était horrible comparée à Drancy. Personne ne pouvait s’y préparer. Les conditions étaient exécrables : nourriture, hygiène, travail. Ils étaient 400 par baraque. Tous les soirs, c’était de la soupe aux rutabagas et 4 cm de pain par semaine.
Ils se réveillaient à 5 ou 6 heures pour dormir la nuit très tard. C’était les kapos qui les réveillaient en les frappant. Pour éviter d’être frappés, ils devaient occuper les lits supérieurs ou inférieurs, car seules les personnes dormant sur les lits centraux étaient frappés.
(Adrien).
« Les kapos ne savaient pas pourquoi ils distribuaient les coups, et nous ne savions pas pourquoi nous les recevions ».
(Valentin).
Les souffrances étaient aussi bien physiques que morales. Physiquement, ils étaient fatigués, malades, sales, etc. Ils étaient devenus comme des squelettes à cause du manque de nourriture. Mais moralement, ils souffraient aussi. Le fait de penser que l’on n’est pas comme les autres, que l’on se fait rejeter, maltraiter, humilier et même plus considérer comme des humains, comme des hommes, devait être insupportable. Voir ceux qu’on aime souffrir ou disparaître, subir ce qu’ont subi les juifs doit être horrible.
(Yannica).
La-bas, il faisait le « ménage » : il prenait des pierres et il les transportait d’un point à un autre du camp. La nourriture était rare. Il mangeait très peu, 4 cm de pain et une soupe. Le froid était rude. Il ne pouvait pas se laver. Ils mourraient du typhus.
(Farid).
L’épidémie de typhus ravageait le camp, cette maladie se traduisant par une forte fièvre et des hallucinations. M. Pérahia a couvé le typhus dans le train de rapatriement, heureusement, car à leur arrivée, on les plaçait dans des centres de santé afin de dépister une maladie. Il fut placé en quarantaine. Grâce à cette cure, il survécut à cette maladie.
(Adrien).
Évacuation de Bergen-Belsen :
En 1945, voyant que les Allemands étaient en train de perdre la guerre, les Allemands décidèrent de déplacer les femmes et enfants de prisonnier afin de les garder en tant qu’otages. Ils furent mis dans un train de wagons à bestiaux à nouveau. (Juliette).
La souffrance était tellement forte qu’il a voulu mourir ! Choisir la mort à la torture et l’avouer devant sa mère, imaginez ce que doivent ressentir et la mère, et l’enfant...
(Yannica).
En écoutant ce témoignage, même nous, nous étions un peu chamboulés, bouleversés. On pouvait sentir une boule dans la gorge et même quelques larmes monter lorsqu’il nous a raconté que sa mère lui avait dit : « si tu m’aimes, tu pourras continuer à te battre et survivre ».`
(Yannica).
Il a été rapatrié le 25 juin 1945 en France et il est rentré chez lui en 1947.
M. Pérahia était très content quand il a passé la frontière de la France où il y avait écrit « Ici la France ». Pour lui c’était un soulagement de rentrer en France.
(Steve).
Après, Mme Pérahia et son fils, reprirent un train pour repartir en France. Là-bas, il furent accueillis dans l’hôtel Lutecia pour un test de santé. Ils lui détectèrent la tuberculose. M. Pérahia resta deux ans dans un centre de santé pour pouvoir se ressaisir physiquement. (Juliette).
Après :
M. Pérahia devait tout recommencer dans sa vie, aller à l’école et retrouver un niveau de scolarisation de son âge. Il reprit l’école au niveau "4e moderne", l’équivalent de la 4e de maintenant. Il passa ensuite son bac et l’eut au bout de la deuxième fois. Après le bac, M. Pérahia dû cesser ses études à cause de problèmes familiaux. Par la suite, il se maria et eut des enfants. (Juliette).
Après la déportation, les camps et la libération, la réintégration était surement l’une des étapes les plus importantes et difficiles de leur vie. Se sentir exclu, car on a raté 5 ans d’école, ne plus savoir écrire, ou compter, avoir une grande partie de sa famille qui a été tuée on ne sait comment... Il se sentait « inculte », sans éducation et comment peut-on se sentir ? La seule chose qu’il voulait faire, c’était oublier. Oublier les 5 années de souffrance, de maltraitance et de rejet.
(Yannica).
En étant libéré en 1945, pendant les années suivantes, il n’a pas dit mot, de peur du regard des autres entre autres. Mais en essayant de mettre son histoire en livre, il a retrouvé la parole et a commencé à passer dans les écoles pour raconter son histoire aux élèves.
(Romy).
Ce qui s’est passé est ancré en lui et ça ne partira pas. C’est quelque chose d’indélébile. On savait tous que ce génocide était quelque chose de cruel, d’épouvantable, mais grâce à ce témoignage particulièrement touchant, on a réussi à savoir ce qu’il ressentait, même si on ne comprendra jamais ce qu’il a vécu, on a vu comment il se sentait.
Et il nous a aussi expliqué que la liberté était ce qu’on pouvait avoir de mieux dans une vie. Malheureusement nous ne pouvons pas comprendre : « il faut avoir été prisonnier pour comprendre l’importance de la liberté. »
(Yannica).
Pour lui, il ne peut pas pardonner aux soldats allemands car s’il pardonne, c’est une sensation de tuer à nouveau son père et les gens qu’il a connus.
(Foulaye).
Le témoignage :
Je lui ai demandé si le fait de témoigner, de parler, lui faisait du bien. Il m’a répondu : « non ». Il a dit que pendant deux ou trois heures après son témoignage, il était bouleversé. En repensant à tout ça, aux gens qu’il a croisés et qu’il n’a pas pu sauver, il a du se sentir coupable, triste et impuissant.
(Yannica).