Une grande partie de l’art est constitué de cette part de l’art qui consiste en la médiation, c’est-à-dire la manière de faire connaître, faire comprendre et faire aimer les oeuvres, les artistes, etc.
C’est le travail des musées, des journaux spécialisés, des critiques et des historiens d’art. Mais en fait tout un chacun peut être à sa manière un relai de cette médiation, par exemple en faisant connaître une ou des oeuvres, en en parlant, en les appréciant, en cherchant à en savoir plus, en allant au musée, dans les galeries d’art, en lisant des livres ou des catalogues sur l’art, les artistes, les recherches, les courants, les prises de position des uns et des autres...
En définitive, c’est un vaste débat, démocratique, dans lequel on a le droit d’être en désaccord, mais pacifiquement... Oui, justement, des goûts et des couleurs, on peut, on a droit, on devrait plus souvent parler !
Dans le cas présent, il s’agit d’une oeuvre de l’artiste d’origine polonaise Piotr Kowalski, "Projection d’un cube", qui a été créée spécialement pour le collège il y a un demi siècle, en 1971, dans le cadre de la politique du 1% culturel, qui oblige toute construction d’un bâtiment public à être accompagnée de l’investissement pour 1% du montant total des travaux, d’une oeuvre d’art originale d’un artiste vivant. À l’époque, ce fut Piotr Kowalski qui fut choisi parmi d’autre postulants, par les institutions culturelles dépendant du ministère de la culture.
Il faut dire que Kowalski est un grand artiste, particulièrement intéressant par le fait qu’il fut à la base mathématicien, puis architecte, puis artiste plasticien. Il n’y a pas chez lui cette opposition souvent entretenue par préjugé entre arts et sciences. Au contraire, son oeuvre établit une passerelle entre différents pôles de connaissance et de vécu.
L’oeuvre "Projection d’un cube", était constituée à l’origine de trois éléments :
- une grande structure dessinant les lignes d’un cube transparent en perspective cavalière en tubes d’acier, fixée à une vingtaine de centimètres du mur pignon du collège donnant sur la rue de Bagneux,
- un cube en Plexiglass d’un mètre environ de côté posé sur un poteau en aluminium,
- une borne près de la limite extérieure du terrain du collège qui comportait un projecteur puissant dirigé vers le cube en Plexiglass.
Le faisceau lumineux de la borne s’allumant de nuit projetait sur le mur du collège, au même emplacement que la structure cubique en tube fixée sur le mur, l’ombre projetée du vrai cube en Plexiglass, provoquant des effets d’incertitude visuelle certainement saisissants entre projection et relief réel, dessin en perspective et perspective projetée, etc.. Le jour, la structure sur le mur devait sans doute fonctionner comme un cadran solaire, avec son ombre qui changeait de forme au cours des heures...
Hélas, au moment de la rénovation du collège, le Département a semble-t-il "raté" l’occasion ou l’obligation de rénover l’oeuvre. Et celle-ci est restée à l’état de vestige incompréhensible, puisqu’il n’y a plus projection lumineuse, et qu’en outre le bardage isolant et métallique brun sombre du mur rénové du collège empêche désormais toute projection... Il est à cet égard intéressant d’étudier le destin parfois consternant, en terme de responsabilité culturelle et politique, des oeuvres financées par l’argent public, laissées par la suite abandonnées et sans médiation, alors qu’elles ont besoin de la durée pour exister.
Aussi, c’est à une oeuvre de salubrité publique et culturelle que, modestement, n’ayant pas les moyens de restaurer la pièce de Piotr Kowalski qui le mérite pourtant bien, se consacre le cours d’arts plastique pour ce deuxième sujet du trimestre.
Il faut savoir que Piotr kowalski a connu de son vivant puis après sa mort une reconnaissance de son travail à l’échelle internationale, ses oeuvres sont entrées dans de nombreuses collections publiques et privées ; il fait, entre autre, partie des collections du Fonds National d’Arts Plastiques, du Musée National d’Art Moderne Georges Pompidou, de la fondation Vazarely, une pièce importante de lui est sur l’Esplanade de La Défense au sein du Fonds d’Art Contemporain de Paris La Défense, il est présenté dans les expositions de la galerie Downtown et une rétrospective lui a été consacrée au MAMCO de Genève en 2019.
C’est dire combien il est regrettable de laisser un tel artiste dans l’oubli et l’abandon, alors que les élèves tireraient un grand profit d’avoir l’oeuvre du collège, qui est originale et unique, restaurée.
Nous avons donc travaillé en visitant l’oeuvre directement au sein du jardin du collège (voir photos), puis à partir de recherches visuelles, à créer un écriteau qui sera visible depuis le jardin et la rue de Bagneux, façon de traverser visuellement l’enclos de barrières très hautes qui enserrent le collège, et créer un lien de connaissance et de culture entre l’intérieur et l’extérieur du collège, dans la ville de Châtillon. C’est une oeuvre à caractère patrimonial qui mérite cela, et les élèves le méritent tout autant.
Nous sommes partis d’un extrait du texte de présentation de la rétrospective du MAMCO de Genève en imitant la police de caractère "Futura", dessinée à la main presque aussi bien qu’une imprimante...
Comme il y plusieurs très beaux travaux, on va pouvoir créer une rotation de différentes affichettes explicatives de l’oeuvre et de l’artiste, pour le bénéfice de tous, manière de commencer, dans ce jardin verger du collège du Troisième Paradis, planté depuis deux ans d’arbres fruitiers et de bacs de terre d’après des travaux d’arts plastiques de 2019, un espace d’exposition en plein air tourné vers la ville, les habitants et plus largement la société.